Rollercoaster Exploration est une mixtape pour Elite Dangerous, une compilation d’émotions musicales inspirée par le jeu, et en particulier mon voyage vers le centre de la galaxie. Dans cet article, je fais le détail des morceaux et extraits inclus dans le mix et leur rapport avec l’univers d’Elite.
Ca va être génial, ça va être le meilleur jeu vidéo du monde, une aventure épique formidable.
David & Holly Lowe : Frontier Elite II Intro – The Dangerous Remake
Composé par David et Holly Lowe, alias Uncle Art, célèbres compositeurs de nombreuses musiques de jeux vidéo, le morceau est entendu ici réorchestré et réenregistré en 2016. Frontier, sorti en 1993, était la suite du Elite original.
Le discours “We choose to go to the Moon” fut prononcé par John F.Kennedy à la Rice university en 1962. Il marque le début officiel du programme Apollo et de l’ambition des USA poser les pieds sur la Lune. Ecrit par Ted Sorensen, ce discours représente parfaitement l’esprit optimiste et exalté de l’époque. Aux dires d’anciens de la NASA qui l’ont cotoyé, Kennedy était personnellement intéressé par le projet et comptait absolument sur sa réalisation.
OK, tu ne le sais pas encore, mais tu es en plein délire. Aucun animal musicien ne va t’accueillir sur aucune des milliards de planètes formidables du jeu.
Mady Mesplé : Johann Strauss II, Légendes de la Forêt Viennoise
Qui dit pilotage de vaisseaux spatiaux et musique dit valse. Dieu sait quelle neurone s’est allumée dans l’esprit de Kubrick pour associer les deux, mais c’est définitif depuis 2001: A Space Odyssey. C’est un peu comme le beurre de cacahuète et la confiture. J’ai passé des heures à jouer à Frontier: Elite II en écoutant les CD valses viennoises de mon père.
Avec l’interprétation chantée, on opte pour une couche de surréalisme supplémentaire, on est encore optimiste, on vient de réussir son premier atterrissage propre, son premier docking dans une station sans rien cogner, on est heureux. Mady Mesplé était une soprano star en France post-1950, mais elle continua longtemps sa carrière en collaboration avec des compositeurs contemporains. Elle est décédée le 30 mai 2020.
Tout ça est très compliqué quand même, ça fait treize fois que je fais des aller et retours dans le menu pour configurer mes touches et j’ai encore oublié la différence entre hyperspace et supercruise.
Ken Camden : Moon (Space Mirror, Kranky, 2013)
Camden est peut-être plus connu comme membre d’Implodes, mais ses trois albums solo sont d’irréprochables trips électro-astronomiques ; évidemment édités sur Kranky, meilleur label du monde depuis la création.
J’essaie de faire de l’exploration. Les planètes et les étoiles font des bruits étranges et amusants.
Nintariman : Farewell Fire (edit)
Michael Henderson alias Nintariman, dont j’ai écouté sans le savoir la musique pendant des années. Avec d’autres artistes électro de l’époque, Henderson avait diffusé un fake du nouvel album du célèbre duo Boards Of Canada sur les réseaux de p2p. Le “faux” album, en réalité une compilation de plusieurs artistes anonymes, se terminait par ce morceau, une pure merveille glitchesque de 20mn.
Le sound design, riche, qualitatif et dynamique d’Elite Dangerous est clairement un des plus gros points forts du jeu. C’est une de mes raisons principales pour jouer. Les sons du Full System Spectrum Scanner, outil d’exploration permettant d’analyser les astres d’un système, ont été développés en collaboration avec des astronomes du British Antarctic Survey.
Je boite dans l’obscurité, à moitié brûlé par une étoile approchée de trop près, un atterrissage cahotique, j’ai passé une heure perdu en rover dans des cratères désolés et mis autant de temps à trouver le bon sens pour réinsérer le rover dans le vaisseau. Je réintègre la carlingue aux bord de la crise de nerfs.
K-Group & Omit : Format (Storage, Fusetron, 2002)
Le dialogue est extrait de The Assassination of Jesse James by the Coward Robert Ford – western codéiné et menaçant, confinant souvent au surréaliste, comme dans cette scène lynchéenne de cavalcade nocturne.
Elite Dangerous est un jeu où la nuit est perpétuelle. Les planètes sur lesquelles l’ont peut se poser n’ont pas d’atmosphère explorable, et donc pas de ciel. La voie lactée y est plongée dans l’obscurité. Ca changera normalement avec l’extension Odyssey prévue pour 2021…
Je survis, seul, avec la rare satisfaction de savoir que je suis parfois le premier à visiter certains systèmes, ou à cartographier certaines planètes.
Christopher Spelman : The Final Journey (The Lost City Of Z soundtrack)
Toute tournée vers le futur et portée par la recherche technologique qu’elle soit depuis le début de son histoire, l’exploration spatiale est aussi ancrée dans une pratique éminemment humaine, qui a aussi trouvé une place de choix dans les jeux vidéo : l’exploration, la découverte d’espace inconnus, intouchés. Repousser tout simplement la frontière entre là où l’homme a foulé le pied et là où il n’est jamais allé. The Lost City of Z est un superbe film à ce sujet, dans lequel on ressent d’ailleurs l’influence du 2001 de Kubrick.
Microsommeils… bercé par le bourdonnement et les grincements du vaisseau…
Bjarke Niemann : Purity (Echo soundtrack)
Tiré du documentaire In The Shadow Of The Moon, le rêve est raconté par Charlie Duke, dont la voix, reconnaissable entre toutes, était celle du contrôleur de vol général sur Apollo 11 : c’est lui qui donne la réplique à Armstrong. Il posera le pied sur la Lune lors d’Apollo 16.
Je dors beaucoup en jouant à Elite Dangerous, déjà parce que c’est un jeu obligatoirement nocturne. Mais aussi parce que rien ne surpasse le fait de se réveiller face à un étoile. Exploration spatiale et jeu vidéo ont encore ceci en commun : de brouiller les frontières entre le réel et le rêve.
Je n’ai pas croisé d’autre joueur depuis une centaine d’heures.
Aram Khacahaturian : Gayane Ballet Suite
Autre extrait de la bande originale de 2001, parfait pour exprimer le silence et la solitude de l’espace. Ce morceau a également inspiré James Horner pour son travail sur Aliens…
Source de signal biologique signalée à la surface d’une planète… face à face avec d’étranges, mutiques gros cactus lumineux. Je tire un peu dessus et ramasse des matériaux étranges.
James Horner : Dark Discovery (Aliens soundtrack)
Il n’y a pas d’autre voix à entendre dans Elite, une fois sorti de la “bulle” de civilisation, autre que celle de l’ordinateur de bord de votre vaisseau. C’est aussi la voix d’un ordinateur qui éduque un Spock asperger lors de son retour des limbes… (Star Trek III, The Search For Spock, 1984).
Je ne sais plus vraiment si je suis une étoile, un vaisseau ou une galaxie. Ah tiens, quand je tourne la tête je vois mes mains.
Kenny Rogers & The First Edition : Just Dropped In (1967)
Entre réveils surréalistes, solitude infinie, grind de routier de l’espace, émerveillement devant des paysages grandioses, totale perte de la notion d’échelle… il y a du psychédélisme dans Elite. Kenny Rogers, célèbre chanteur folk américain, est décédé en mars 2020.
La seule planète intéressante à scanner se trouver à environ une heure de voyage. Une heure à traverser le vide à 400 fois la vitesse de la lumière sans strictement aucun évènement d’aucune sorte. Est-ce que je voyage encore ?
Gregg Kowalksy : X-XI (Tape Chants, Kranky, 2009)
On critique Elite Dangerous parce qu’il serait un jeu beaucoup plus prosaïque que ce qu’il promet initialement, un jeu de routier de l’espace en quelque sorte. C’est oublier qu’être routier est fascinant (cf. l’excellent American Truck Simulator) et dans l’espace, c’est encore mieux.
Atterrissage à la surface d’une planète en hypergravité : ou quand la surface menace de détruire complètement votre vaisseau et vous renvoyer des semaines de voyage en arrière.
Justin Hurwitz : The Landing (First Man soundtrack)
L’espace de quelques instants, entre une quantité de carburant très limitée, la nécessité de jauger d’un emplacement adéquat en temps réel et à vue, de choisir ou non d’ignorer les alertes d’un ordinateur de bord inquiet, et le pilotage manuel d’un engin fragile sur un astre dépourvu d’atmosphère… l’Histoire s’est vraiment jouée sur les épaules du pilote exceptionnnel qu’était Neil Armstrong. Le film de Damien Chazelle First Man et la musique de Justin Hurwitz capturent parfaitement cette tension épique.
Je ne sais plus vraiment si ce projet de me rendre au centre de la galaxie a du sens. Si je survis, je serai extrêmement riche à mon retour, en vendant les données de mon exploration. A part ça…
Dr Samuel Hoffman : Lunar Rhapsody (Music Out of the Moon, 1947)
La musique du thérémin de Hoffman avait été choisie par Neil Armstrong pour le voyage d’Apollo 11. Elle contrastait avec les choix de ses coéquipiers, plus populaires. Pendant la marche sur la surface de la lune, il s’est temporairement écarté du plan pendant trois minutes, en maintenant un silence radio, s’approchant d’une zone appelée Little West Crater. Il n’a jamais révélé pourquoi.
L’argent a récemment pris un nouveau sens dans Elite Dangerous, du moins pour ceux qui en ont beaucoup trop, avec l’arrivée des Fleet Carriers, des vaisseaux géants qui sont désormais possédables par les joueurs et dont les coûts d’achat et d’entretien gargantuesques ont fait sursauter la communauté.
La galaxie est si vaste qu’une des difficultés du voyage est de choisir un point de navigation dans la bonne direction.
Cliff “Ukelele Ike” Edwards : It’s Only A Paper Moon (1933)
On peut discuter des mérites d’Elite Dangerous ou de ses défauts, mais il est difficile de lui enlever la capacité qu’a le jeu de donner de la pesanteur à ses différents moments de gameplay. S’extraire d’une station peut se révéler risqué ; maîtriser les systèmes de son vaisseau peut prendre des mois ; traverser la galaxie prend littéralement des mois. On est loin des sauts trop inconséquents et automatiques de No Man’s Sky. On en oublierait que tout ça n’est qu’une simulation.
Rien de tel que de passer, comme Cassini, entre un astre et son anneau.
Strauss / Uncle Art : Blue Danube Waltz (Frontier Elite II soundtrack)
Les bruitages de fond qu’on peut entendre ici sont tirés d’un version graphique du jeu Lunar Lander (d’abord développé comme jeu textuel en 1969, cette version date de 1979). Comme beaucoup des premiers jeux vidéos historiques, Lunar Lander était éminemment inspiré par la conquête spatiale contemporaine au développement des ordinateurs dans les laboratoires universitaires, et notamment ici par le processus d’alunissage, prenant même en compte le paramètre du fuel limité. Un gameplay qui reste très frais, notamment par ses changement de perspective graphiques, dépliant l’espace au fil de l’approche de la surface.
Si je m’approche suffisamment près de cette planète aquatique, on aurait presque l’impression que je vole dans une atmosphère, sous un ciel bleu…
Julianna Barwick : White Flag (The Magic Place, Asthmatic Kitty, 2011)
Barwick capture une sensation que j’ai parfois en jouant. A exister comme une sorte d’esprit naviguant d’astre en astre, on se prendrait presque pour Dieu effeuillant sa création. Elite Dangerous est graphiquement superbe, un très bon générateur de screenshots. Certains y verront un reproche, d’autres une qualité…
Qu’est-ce qu’il y aura au centre ?
Charlie Kaufman, Jon Brion, Deanna Storey : Little Person (Synecdoche NY soundtrack)
Elite Dangerous est certainement le plus solitaire des MMO. En plusieurs centaines d’heures passées sur un serveur PvE, je n’ai strictement jamais croisé aucun autre joueur. La superbe chanson composée par Charlie Kaufman pour Synecdoche, NY capture parfaitement le plaisir passé, dans la solitude, à imaginer la personne que l’on rencontrera finalement…